Sévèrian

Présent - Doutes et remords:

[ Posté sur le forum GW2RP le 27 mai 2013. Prend place à ce moment du journal, après l'event "Dernière expédition" lors du retour en ville. ]

Saison du Phénix 1326 Ap.E.

Sévèrian était dans sa chambre, dans la maison de son maître adossée à la muraille même de la cité, en haut du vieux quartier krytien du Promontoire. Sous le toit, la petite pièce achevait de dissiper la chaleur étouffante de cette journée de début de printemps. Vêtu d’un pantalon de toile, torse et pieds nus, le jeune homme était assis contre le mur, à même le sol. Il tenait ouvert dans la paume de sa main le vieux médaillon en orichalque qui ne l’avait jamais quitté. « Maman... Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que tu m’aurais conseillé..? » Le portrait le regardais de son éternel air mélancolique, de son sourire vague, sans jamais pouvoir lui donner de réponses à ses questions. Il releva les yeux ; à l’angle de la pièce, une nuée de papillons de nuits voletaient, attirés par la faible lueur d’une lampe à huile posée sur l’écritoire. A ses pieds reposaient déjà de nombreux petits cadavres qui s’étaient brûlés les ailes à la chaleur dégagée par la flamme. Sévèrian ferma les yeux, laissa sa tête retomber contre la paroi derrière lui. « Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ? Rien… J’ai déçu les gens, encore. J’ai déçu mon maître. Déçu Faendyr. Trahi la gamine… » Ses lèvres se crispèrent en un rictus nerveux, retenant l’assaut du vide qui montait en lui. Il connaissait bien ce sentiment, il vivait avec depuis longtemps. A chaque moment de faiblesse, il se rappelait à lui. Se sentir abandonné, seul, rejeté par tous... Sa pire crainte revenait le tourmenter cette nuit.

Depuis qu’il était rentré, il n’avait pas osé, encore, dire toute la vérité à son maître. Il avait bien parlé de la marche dans les Cimesfroides, des combats, de ses compagnons et des mercenaires, de la lutte contre le géant de glace… mais il n’avait pas osé lui dire comment il avait brisé sa promesse et le contrat moral qui le liait à son chef, à Faendyr.  Il craignait trop la réaction de son mentor. « Comment je pourrais vous dire... Vous expliquer… » Il lutta contre les larmes qu’il sentait prêtes à couler, serrant dans sa main le seul lien à son passé. « Pourquoi.. ? Je n’ai jamais rien demandé, j’ai toujours fait au mieux… » Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Son enfance désormais si lointaine, tellement étrangère à ce qu’il était maintenant, la fin de son adolescence passée si vite, l’espoir mis en lui, les déceptions encore et qu’il n’avait pu éviter, tout se mélangeait dans le chaos de son esprit. Il se laissa aller, suivant le fil indistinct des souvenirs, passant d’une image à l’autre, sans ordre, sans volonté. Sans s’en rendre compte, il faisait rouler entre ses doigts la fine chaîne du collier.

Enfin, il rouvrit les yeux, l’angoisse étreignant sa gorge. Fixant le plafond de lames brutes, patinées par les années, il repensa à ses amis. Ceux du passé, ceux du présent, qu’il avait juré d’aider, de protéger autant que possible. Comment les protéger, puisqu’il n’arrivait même pas à gérer sa propre vie ? Il resta ainsi, immobile, pendant un temps qui lui parut incroyablement long. A peine quelques minutes. Une éternité à ses yeux. La chute du médaillon au sol brisa la torpeur qui s’emparait de lui et le força à réagir. Il se redressa, baissant les yeux à la recherche de l’objet qui lui avait ainsi échappé des mains. Il dût venir repousser en arrière sa chevelure indisciplinée qui lui tombait dans les yeux, d’un geste qui lui était si familier qu’il ne s’en rendait même plus compte, et récupéra le collier, le serrant à nouveau au creux de sa paume. Puis, il se releva lentement, fît rouler les muscles de son cou, de ses épaules, son corps encore douloureux des efforts récents et de la marche forcée du retour. Enfin, il marcha d’un pas encore mal assuré jusqu’à son lit au coin opposé de la pièce et s’assis sur le rebord. Il déposa le médaillon sur la table de chevet, laissant la chaine s’enrouler autour du corps du bijou, l’observa un moment à la lueur ambiante. Puis, alors même qu’il était là, immobile, la flamme de la lampe à huile paru  soudain s’étouffer d’elle-même. L’esquisse d’un sourire sur ses lèvres marqua la satisfaction toute simple qu’il avait encore à jouer avec le feu.

Une fois la chambre plongée dans la pénombre, il s’allongea sur son lit, couché sur le dos, et resta ainsi, les yeux grands ouverts. Il laissa errer ses pensées au gré de son humeur, tandis que les rumeurs de la ville lui provenaient de la fenêtre ouverte. La grande cité humaine ne dormait jamais totalement, même à cette heure tardive. « Est-ce que je serais reconnu un jour ? Juste pour moi… Rien d’autre. » Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer, de prévoir, chaque possibilité, chaque avenir possible. Pour lui, pour les autres… Et si…  Il finit par s’endormir, vaincu par la fatigue, tandis qu’au dehors les premiers rayons du soleil venaient déjà lécher le haut des murailles.

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