Aéllys

Le navire I - Décision

Avant tout :
" Cet épisode est une introduction à mon recrutement de guilde pour Le Saint-Greyneas, navire de flibustier mené par la belle Hedessa et croisant sur toutes les mers d'Azeroth. J'avais en tête Kheorn, le second du navie, lorsque j'ai imaginé le passage du druide. "

 

Assise, immobile tel un rocher millénaire, ses yeux tournés vers la grande mer, pas un tressaillement, pas un clignement des yeux ne laissaient deviner la vie dans ce corps maigre et élancé. Le vent porteur des effluves marines venait fouetter le visage à l’ovale parfait, au petit nez bien dessiné, illuminé par des yeux à l’éclat brillant. Seuls, ses cheveux blond pâles ondulaient au vent, tels des fils d’argent ayant une vie propre. A ses côtés, l’imposant lion noir qui la suivait en tout temps comme sa propre ombre bâillait et surveillait les alentours, s’ébrouant violemment à chaque coup de vent, comme une vivante manifestation de désapprobation.

Soudain, un léger tressaillement de sa maitresse le fit reporter son attention sur elle. L’elfe, lentement, s’étira et se redressa. Sa haute taille se détacha comme une tache pâle sur le ciel qui s’assombrissait rapidement, engloutit par le crépuscule. Elle ne portait pas son armure, qu’elle réservait aux expéditions dans les terres inhospitalière. Elle était simplement vêtue d’une courte chemise et d’un pantalon de toile noire que recouvraient des bottes en cuir souple ; un court poignard de chasse pendait à ses côtés. Elle reporta son attention sur les bateaux qui se balançaient mollement à quai, tirant sur leurs attaches ; l’un d’entre eux l’intéressait plus particulièrement : au ponton le plus éloigné était amarré un grand navire, taillé pour la haute mer et la vitesse. Il n’arborait aucun des fanions habituels de l’alliance, ni même aucun fanions connu aux alentours de la cité blanche. Au plus haut de son mât, un drapeau noir flanqué d’un simple symbole runique semblait narguer les curieux. L’elfe s’était renseignée à son propos. Elle savait comment faire parler les gardes, même si une bonne partie de ses dernières économies avait dû y passer. Mais cela avait été payant car elle en avait appris plus qu’elle ne l’aurait désiré.

Hedessa, la belle et mystérieuse Draenei, la pirate portée disparue en mer, en était le capitaine et elle cherchait des gens assez fous ou assez désespérés pour la rejoindre. Mais qui ne connaissait pas cette silhouette, quel mâle n’avait jamais rêvé de l’avoir comme compagne, quelle fille ne s’était jamais senti jalouse de sa plastique parfaite ? Quiconque avait eu à conclure des affaires à la limite de la légalité connaissait Hedessa, au moins de réputation. Ce n’est pas ça que l’elfe avait cherché à savoir. Tout cela, elle l’avait déjà appris, car elle-même avait été abordée par la jeune femme un jour auparavant, en pleine ville. Mais elle avait découvert ce qu’elle ignorait, à savoir que le navire étranger aux lignes si parfaites venait d’un lointain royaume oublié de tous et que si il naviguait officiellement sous couvert de commerce, ses buts étaient en fait beaucoup plus proches des habitudes flibustières de son capitaine.
Liberté et argent facile, voilà en deux mots ce qu’elle savait des motivations de l’équipage du Saint-Greyneas, et ces mots ne lui étaient pas étrangers, à elle l’insoumise, la fugueuse, ayant renié une partie d’elle-même en s’obstinant à vouloir découvrir les peuples et les contrées lointaines, écartant la destinée écrite pour elle depuis sa naissance. Et puis… l’argent se faisait rare, les armées s’étaient toutes préparées pour se déplacer en Norfendre et le voyage vers le continent glacé coutait cher, pour une simple mercenaire comme elle. Un sourd grondement de son lion la fit sortir de ses rêveries. Elle posa une main fine sur la tête de la bête, lui intimant par ce geste l’ordre de se calmer puis, tournant lentement la tête vers sa gauche, elle le vit.

Le druide, ou plutôt le félin, car c’est la forme qu’il avait prise, observait l’elfe depuis un moment déjà, ses yeux de chat ne laissant deviner aucunes de ses pensées ; il ne bougea pas face au regard impassible qu’elle lui rendit. Puis, un léger sourire se dessina sur le visage habituellement froid et sans émotion de l’elfe ; reprenant son sac posé à terre, elle le mit en bandoulière et s’avança d’un pas leste et agile, sans un bruit. Derrière elle, le lion se mit en marche, sans aucun ordre ou mouvement superflus de sa maitresse ; il feula légèrement en passant à côté de l’intrus, en un mouvement découvrant ses canines mortelles puis se détourna. Sans porter plus d’attention envers le druide, l’elfe s’engagea sur le grand escalier d’où il venait et qui descendait vers le port. Elle était résolue, maintenant. Cet importun lui avait amené la réponse qu’elle attendait, sans même le savoir;  un regard avait suffi. Elle n’aimait pas spécialement les navires, la mer n’était pas son élément, elle, la coureuse des forêts. Mais elle cherchait des compagnons intrépides, des gens qui, comme elle, avaient refusés tout engagement auprès d’une faction ou l’autre, préférant de loin l’incertitude de la liberté aux sécurités de l’allégeance à un maître. Et elle devinait, non, elle était sûre que son chemin passait par ce navire aux voiles sombres comme la nuit.