Aéllys

Souvenirs I : Innocence.

A perte de vue, la grande mer offre au regard ses eaux calmes, surmontées par un ciel bleu azur. Au loin, un point noir perturbe le regard. Approchons nous; c’est un bateau. Encore un peu plus près. A bord, les marins vaquent à leurs occupations ; sur le pont, un enfant humain, 5 ans à peine, s’amuse à poursuivre les rats qui se faufilent entre les cordes posées à terre; non loin, accoudée au bastingage, une elfe de la nuit laisse errer son regard à l’horizon. Elle est grande et svelte, comme tout ceux de sa race; elle paraît jeune, mais allez leur donner un âge! Ses longs cheveux argentés qu’elle porte tressés se balancent mollement au vent. Ses rêveries sont soudain interrompues par une voix aigue à ses côtés :

Le mioche : « Madââme ! Madââme ! On est arrivé ?? »
Elle : *poussant un soupir* « Pour la millième fois, pas encore ! »
Le mioche : «J’m’ennuiiiiie !! »
Elle : *en pensée* « Mais qu’est-ce qui m’a pris d’accepter cette mission ?? Ma conscience me perdra… Allez, j’vous en prie, amenez-le chez ses grands parents, la seule famille qui lui reste… Si elle n’avait pas payé un bon dédommagement, je l’aurai planté là, ce gosse… »
Le mioche : *en sanglotant* « Madââme, tu m’raconte une histoire, s’il te plaîît !!»
Elle : *agacée* « Si je te raconte une histoire, tu te calme et tu arrête de pleurer ?! »
Le mioche : *coupant court aux sanglots* « Promis ! »
Elle : *plongeant dans ses pensées* « Bon, alors… une histoire… »

A ces mots le gamin, subitement calmé, s’asseye à côté de l’elfe, met son pouce dans la bouche et ouvre de grands yeux, attendant le début du récit.

« Il y a fort longtemps, presque 300 de tes années, dans les lointaines terres elfiques du nord, naissait une enfant de ce noble peuple. Ses parents la nommèrent Aéllys Elwën Blanchelune. Sa mère, Illyanna Blanchelune, faisait partie des Sentinelles avant d’avoir sa fille. Tu sais bien, ce sont les gardiennes des terres elfiques. Depuis lors, elle les avait quittés pour se consacrer à l’étude de l’herboristerie. Son père, Théryon Allarion, était un chasseur émérite mais aussi un aventurier intrépide et volage, bien mal considéré par son peuple. D’ailleurs, il avait eu un fils avec une autre femme, un enfant prénommé Nezdal, que la jeune elfe ne connu que bien plus tard car il était plus âgé qu’elle et partit en quête de découvertes bien avant qu’elle en eu seulement l’idée elle-même.

La jeune fille passa une enfance heureuse et insouciante parmi les siens, grandissant avec les enseignements druidique et le respect de chaque chose que lui transmit sa mère, ainsi que le but de devenir plus tard une Sentinelle elle aussi, comme toutes les femmes de sa famille. Elle ne connut l’ancien héritage de son peuple qu’en histoires et légendes, peuplées de magie, de guerres et d’exil. Comme tous les enfants des elfes, elle apprit à survivre et à se battre et, comme son père, s’intéressa à l’art de la chasse. Rien de particulier ne se passa dans ces années d’innocence et de jeu. Jusqu’à ce jour…
Le peuple des elfes de la nuit, vivant en reclus depuis tant de temps, vit débarquer de sombres étrangers sur ses terres... »

Le mioche : *ôtant son doigt de sa bouche* « Qu’est-ce que c’est, rekl.. raclu… rekliu ? »
L’elfe : *tirée de ses pensées* « Ca veut dire qu’ils vivaient sans contact avec d’autres peuples, en évitant tout contact avec le monde extérieur. Tu comprends ? »
Le mioche : « Nan »
L’elfe : *pensant à autre chose* « C’est pas grave, tu comprendras plus tard. Laisse-moi continuer… »

Le gamin remet son pouce dans sa bouche et penche un peu la tête sur le côté, comme pour mieux écouter.

« Donc, les elfes virent arriver des étrangers dans leur forêt. C’était le commencement d’un grand bouleversement dans la vie de la jeune fille, mais elle ne s’en doutait pas encore. Comme elle était encore trop jeune et inexpérimentée pour se battre, elle fut envoyée en sûreté avec tous ceux qui ne pouvaient assumer la défense des terres. Mais souvent, déjouant la surveillance, elle partit seule dans la forêt, grimpant aux plus hautes cimes et épiant les agissements des inconnus sans être jamais découverte par eux. Elle vit des êtres étranges, des grands guerriers à la peau verte et à la langue barbare ainsi que des êtres petits et frêles, habillés de fer et qui avaient d’étranges montures hautes sur pattes. Des chevaux, tu imagine? La jeune fille n’en avait jamais vu auparavant. Elle brûlait de curiosité, voulait en savoir plus sur ces intrus. Mais bientôt, les événements se précipitèrent. Elle ne comprit pas tout de suite la signification de ce qui allait se passer, ce n’est que bien plus tard qu’elle appréhenda l’étendue du sacrifice de son peuple. Mais sur le moment, tout ce qu’elle vit, c’est que son peuple s’était allié aux étrangers et qu’ils luttèrent contre une force qui menaçait de tous les détruire.
Après la bataille finale, la jeune elfe put enfin, et pour un court moment, satisfaire sa curiosité en côtoyant de plus près leurs nouveaux alliés. Elle commença très vite à apprendre le langage commun, avec une facilité exemplaire d’ailleurs ; mais le langage de la horde, lui, ne plût jamais à ses oreilles. Et très rapidement, des tensions refirent surface et la fragile paix bascula en un nouvel équilibre. La jeune fille se vit interdire de côtoyer les étrangers. Mais cela ne dura pas… »

L’histoire est soudain interrompue par un cri perçant de la part du gamin.

Le mioche : *faisant la grimace* « Madââme ! Il faut que je fasse pipi !! »
Elle : *avec un soupir et se tenant la tête dans une de ses mains* « Et bien vas-y ! Tu n’a pas besoin de moi pour ça ! Allez, tu sais où c’est… »

Le gamin se relève, part en courant à moitié et s’engouffre dans le pont inférieur. Il en ressort quelques minutes après, l’air tout fier.

Le mioche : *avec un sourire de triomphe* « C’est bon, j’ai fini ! Tu continue l’histoire maintenant ?? Dis ! »
Elle : *l’air résignée* « Mais oui, je continue. »

Le gamin se réinstalle, adossé aux cordes et tenant fermement un bout de chiffon retrouvé dieu sait où qui semble lui servir de doudou.

« Donc, cela ne dura pas. Sa mère tenta bien de la faire revenir vers le droit chemin d’une existence elfique exemplaire, c’était trop tard. La jeune fille avait découvert qu’il existait un autre monde, elle voulait en savoir plus ! Elle ne cessa dès lors de tenter de persuader sa mère de la laisser partir, jusqu’au jour où, résignée à ce moment, sa mère céda et accepta que sa petite fille, son enfant unique, choisisse elle-même son chemin de vie.
A partir de ce moment la jeune elfe, emplie des enseignements pleins d’humanité qu’elle avait reçu, parti découvrir le monde. Depuis lors, prenant chaque jour plus d’assurance, elle a pu parcourir les continents d’Azeroth, a visité les terres les plus froides comme les plus arides, a rit et pleuré avec des compagnons de passage, a pu admirer les riches ornements des capitales humaines et les solides constructions enterrées des nains et a même été jusqu’à se faufiler au plus près des capitales de ceux qui sont désormais, et malheureusement, ses ennemis, la horde... »

Suspendant là son récit, l’elfe tourne son regard vers l’enfant. Ce dernier s’est endormi, toujours assis contre les cordages, la bouche ouverte et le chiffon tombé à terre à ses côtés. En voyant ce spectacle, elle ne peut s’empêcher d’avoir un léger sourire au coin de la bouche ; cela n’échappe pas au nouveau personnage qui vient d’arriver, se postant à côté d’elle, le dos tourné à la mer et les coudes sur le bastingage.

Lui : *d’un ton moqueur* « Et bien et bien, Dame Aéllys, on dirait que vous commencez à apprécier les enfants, maintenant ! »
Aéllys : *jetant un regard sombre à son compagnon* « Ah Shabhal, vous voilà ! Faites attention à vos paroles, mon ami, où je vous envoie par-dessus bord. Et tout le monde sait que les nains comme vous n’apprécient pas le bain. »
Shabhal : *se fendant d’un sourire narquois* « J’ai entendu la fin de votre belle histoire, un vrai conte de fées ! »
Aéllys : *se retournant vers le large, les yeux à nouveau perdu dans le lointain* « Si seulement l’histoire était si simple et s’arrêtait là, mon ami, si seulement….