Aéllys

Renouveau

" Les premières lueurs de l'aube dévoilent aux regard ce qu'aucun autre terme mieux que "charnier" ne peut décrire. Partout, à perte de vue, des cadavres sur lesquels la putréfaction n'a pas encore eu le temps de se poser. La terre, ce qui en reste visible, est rouge de sang; l'odeur prend à la gorge, lourde, poisseuse.Tripes à nu, gorges tranchées, membres arrachés... Partout où les yeux se posent, ce n'est que mort et désolation, le triste spectacle pourtant courant d'une énième bataille qui a laissé son lot de victime. Et là, parcourant la plaine en devant prendre moult précautions pour éviter les flèches et épées fichées dans le sol, dans les corps, comme autant de pièges encore mortels, quelques ombres marchent, les yeux bas, cherchant.

"Ici! Ici, son épée!"

Ce cri résonne dans le ciel matinal où aucun oiseau ni aucune bêtes d'aucune sorte ne se fait entendre. Son épée.. C'est tout ce qu'ils retrouvèrent de l'homme. Un meneur, un chien fou toujours en première ligne. Disparu, évaporé sur cette plaine dont les rayons du soleil font maintenant miroiter les nombreux restes d'armes et d'armures. Bientôt, il faudra tourner la page et recommencer ailleurs, sans lui. Trouver un nouveau chef, oublier celui-là. Mais pour certains cela signifiait aussi panser d'autres blessures, de celles qui restent invisibles. Déjà un humain. Déjà un paladin. Déjà une croix qui tomberait dans l'oubli pour la plupart, mais dont le souvenir resterai gravé dans son coeur comme une brûlure au fer rouge. "

 

Aéllys se réveille brusquement, trempée de sueur. Il lui faut de longues minutes pour reprendre conscience de son environnement, de l'endroit où elle se trouve. Enfin, prenant sa tête entre ses mains, elle se souvient du rêve. Du cauchemar. L'image de la bataille et de l'épée souillée de sang lui reste en mémoire. Ces visions d'un temps passé depuis longtemps désormais, où elle avait naïvement cru pouvoir se tourner vers la chaleur d'un compagnon, ont refait surface ces derniers temps. Mais son destin n'avait pas l'air de vouloir lui accorder ce genre de réconfort à l'époque. Et encore maintenant, il veille à ce qu'elle reste seule. N'a-t-il pas fait disparaître le dernier de la manière la plus tragique qui soit, assassiné?

Se levant lentement, elle repousse ses cheveux collés à son visage, enfile machinalement quelques vêtements et sort de la tente. Vêtue d'un pantalon de toile et d'une chemise, nu pied, elle n'est qu'une anonyme dans la multitude des gens présents. Elle aussi finira comme eux, comme tout ceux qu'elle croise quotidiennement; une croix anonyme, au mieux un nom sur une pierre. Ce choix lui convient, elle en connaît les conséquences. L'eau fraîche sur son visage achève de dissiper les brumes du sommeil et la rend à la réalité. Son regard brille d'une farouche détermination à vivre malgré tout ce jour là jusqu'à son terme, ainsi que le suivant, et tout ceux que son destin lui permettra de voir. Elle n'est pas du genre à rester longtemps à s'apitoyer sur son sort, encore moins sur ceux des autres. Elle fais demi tour vers sa tente, s'offrant une pause pour apprécier le contact des rayons matinaux, fermant les yeux pour profiter au mieux du chant des oiseaux qui se réveillent, eux aussi. Tout, dans ce monde, à l'aube de ce matin nouveau né, n'est que promesse de vie et d'espoir. A elle, désormais, de vivre pleinement pour faire perdurer le souvenir des hommes qui ont croisés sa vie. En s'engageant dans sa tente, un sourire se dessine sur son visage portant les marques de sa vie rude. Un sourire franc, confiant en l'avenir et preuve d'une paix intérieure retrouvée.