Liz

Memories 04 / 16 ans :

Sur les hauteurs de Tryskel, la maison et ses dépendances était vide, ses volets clos. Vendue, elle attendait ses nouveaux habitants.
Gendarran. Un village entouré de murailles fortifiées au centre de la région ; partout, des soldats et la menace centaures de plus en plus présente. Les villageois vivaient dans la crainte, reclus derrière leurs murs. C’est là que la famille d’Elisabeth avait emménagé au début de l’an, espérant trouver parmi cette population aux abois moyen de vivre mieux que dans les champs tristement mornes de Kessex. Le beau-père comptait sur les nombreux camps des Séraphins et des mercenaires pour réussir à augmenter son commerce, en important du bétail depuis les collines de Kessex directement. Là où il y a des soldats, il y a toujours besoin de viande, disait-il. Rapidement, grâce à quelques bons contacts, il parvint à devenir l’un des fournisseurs des camps alentours. Pour la petite famille, la vie au quotidien, par contre, était bien plus dure qu’à Kessex.

La fumée montait rapidement dans le ciel gris d’automne, par volutes sombres qui emportaient avec elles les étincelles du feu en contrebas. Les barrières en bois entourant la muraille proprement dite flambaient suite à une énième attaque des centaures. Dehors, les soldats avaient abandonnés la poursuite des fuyards et revenaient pour constater les dégâts. A l’intérieur du village, les volets se rouvraient lentement, les citoyens sortaient sur les pas de portes avec prudence et circonspection. Les blessés étaient amenés au médecin, les quelques morts étendus à l’ombre du mur en attendant mieux. Une journée banale pour le village. Dès le calme revenu, Elisabeth bondi hors des murs de la maison protectrice, droit en direction des grandes portes à peine rouvertes que les soldats traversaient d’un pas lent. Elle filait comme une flèche, suivie des invectives de son beau-père lui ordonnant de rester, mais elle n’en avait cure. A son passage, les soldats se retournaient pour la voir courir, souriaient parfois ou secouaient simplement la tête. Comme à chaque fois, la jeune fille se frayait un chemin pour aller voir le champ des morts.

« Fiche le camp, gamine ! On t’l’a déjà dit ! » Le soldat continua de grommeler en la suivant du regard avant de soupirer et de se remettre au travail. Elisabeth profita du fait qu’il lui tourne le dos pour remonter vers le lieu de la bataille ; à chaque fois, elle devait esquiver les soldats qui la chassaient, mais elle persistait. Elle montrait une fascination morbide pour les cadavres, que ce soit des soldats ou des centaures ; après chaque échauffourée elle passait des heures à marcher parmi eux. Parfois, elle s’arrêtait vers un, se penchait et l’observait fixement, avant de continuer. Quand elle faisait ça, elle montrait un air étrangement apaisé, souriant même parfois, qui ne pouvait que mettre mal à l’aise ceux qui croisait son passage. A force, les soldats la connaissaient pour la plupart et avaient fini par la laisser faire, de guerre lasse. Depuis quelle étais arrivée, pas une seule fois elle n’avait manqué sa visite aux morts. Jamais non plus elle ne montrait de marque d’irrespect, au contraire, elle demandait souvent à aider et à participer. Pourtant, elle essuyait la plupart du temps des refus net. Personne n’avait envie de la côtoyer. Dans le village, elle était simplement surnommée la fille de Grenth.