Liz

Memories 01 / 4-5 ans :

La fillette était cachée dans l’étable, derrière la maison. Le soleil arrivait à peine à éclairer l’endroit par quelques fentes de la paroi en bois, une pâle lumière tamisée malgré le soleil d’été. Dehors, il faisait une chaleur étouffante. Elle était accroupie et jouait avec le petit animal qui couinait à ses pieds et qui bondissait en essayant d’attraper la paille agitée devant lui. Elle riait comme seuls les enfants peuvent le faire, un rire de jeu et de plaisir innocent, le regard brillant. Soudain, la porte s’ouvrit en grand, poussée par une main furieuse et empressée ; la lumière envahit violemment l’espace confiné tandis que la silhouette éclairée de dos traversa rapidement l’étable, faisant voler des particules de poussière dans l’air comme une nuée d’insectes. Arrivé à hauteur de la fillette, la silhouette poussa un cri d’horreur et repoussa durement l’enfant en arrière. L’animal s’était recroquevillé dans un coin, poussant des sifflements et des glapissements sourds. Pas plus gros qu’un rat, il avait une tête chauve et ronde d’où dépassaient des crocs jaunes ; ses pattes de devant griffaient l’air tandis qu’il se tenait en équilibre incertaine sur ses pattes arrières qui n’était pas de même longueur. Son corps laissait voir des morceaux d’os à travers sa peau déchiquetée dont les lambeaux pendaient par endroits ; l’ensemble avait tout d’une monstrueuse poupée rapiécée avec des morceaux épars de cadavres à l’identité douteuse, prenant une forme animale impossible à identifier comme étant existante. La silhouette avisa une pelle posée dans un coin dont elle s’empara. La créature tenta de bondir en avant ; le plat de la pelle vint la renvoyer contre la paroi de bois. Il y eût un bruit mat, puis la pelle s’acharna jusqu’à ce qu’il ne reste plus au sol que des éclats de chair et d’os.

La fillette pleurait et criait, trainée par sa mère à l’extérieur de l’étable, vers la maison aux murs de chaux qui se dressait de l’autre côté de la cour. La porte de la masure se referma derrière elles en claquant violemment.
La main se leva une fois, deux fois, trois fois. La fillette implorait sa mère entre deux sanglots rageurs. Impitoyable, la correction s’abattit sur l’enfant. Enfin, elle fût abandonnée dans sa chambre dont la porte fût bouclée, la laissant seule. Une fois ses pleurs calmés, l’enfant se leva, alla voir à la fenêtre. Dehors, la journée de plein été continuait de se dérouler, imperturbable. Au loin, les hommes travaillaient aux champs ; encore plus en contrebas miroitait la surface du lac. Tout était calme et paisible. La fillette soupira et ferma les rideaux avant d’aller s’accroupir devant un vieux meuble bas dont elle ouvrit les portes. Elle en sortit presque religieusement une boîte en bois. A l’intérieur, posés en vrac sur un tapis de feuilles mortes, terres et cadavres se mêlaient, souris, taupe, oiseaux, lézards… Le trésor de l’enfant. Elle sourit d’émerveillement tandis que sa main se tendait comme une invitation ; un petit tourbillon se forma dans la boîte, les os et les restes des créatures vinrent se mêler en une improbable création qui, bientôt, vint sautiller en couinant au fond de la boîte...