Vannille

Enfance, bribe n°1

Posté le 17/08/2010


« Paladin ! Je suis paladin... Je suis paladin... » JE SERAI UN GRAND PALADIN, J'VOUS MONTRERAI A TOUS!!

Les derniers mots sont criés tandis qu'elle court. Sur ses joues, les larmes tracent des sillons, balayant la poussière accumulée pendant l'entraînement. Elle court jusqu'à en perdre haleine et alors elle s'arrête enfin, pliée en deux, haletante. Elle est arrivée vers le lac souterrain de la cité, sombre, silencieux, abandonné. Se relevant, elle marche vers le bord de l'eau et s'asseye par terre, prenant ses genoux contre elle, ses bras les enserrant. Les larmes ont cessés de couler. Une fois de plus, les autres se sont moqués d'elle ; même le maître lui a dit.

« Vannille, tu ne seras jamais un paladin si tu ne fais pas d'effort, jamais ! »

La phrase tourne et tourne sans cesse dans sa tête. « Jamais ». C'est impossible, elle doit y arriver, pour son père, pour les espoirs que ses parents adoptifs ont mis en elle. Elle n'a pas le choix. Elle ne l'a jamais eu. En tant que dernière héritière de sa famille, pour le nom qu'elle porte, sa voie était tracée depuis sa naissance. Le mariage, ou les ordres. Au vu de son caractère, ce fût la voie de la Lumière...

« Mais comment est-ce que j'vais faire... Pas ma faute si j'arrive jamais à me rappeler des prières et des bénédictions... Et si j'arrive jamais à faire des bandages qui tiennent... Et puis les mannequins, je me retrouve à quatre pattes par terre dès qu'j'y tape dessus... »

Non, la vie n'est pas rose pour une adolescente de 14 ans qui rêvait d'élever des béliers dans les montagnes de Dun Morogh et que l'on a obligé à devenir tout le contraire. Obéissance, discipline, maîtrise et don de soi, sérieux et responsabilité, piété... Toutes ces formules barbares qui régissent la vie des paladin, elle doit maintenant les faire sienne. Mais comment réussir à suivre ces préceptes quant on préfère se battre avec les garçons, défier le vide sur la barrière surplombant les forges, tester en cachette la pipe de son père et finir les pintes oubliées par les clients de la taverne voisine?

« J'y arriverai jamais... Le maître a raison. J'suis pas faite pour, j'suis trop nulle... »

 

Enfance, bribe n°2

Posté le 29/08/2010


Une brusque et subite envie de prendre ses jambes à son cou. Voilà ce que la jeune paladine éprouvait en ce moment, face à ce géant difforme crée par quelque cerveau dérangé, ignoble servant du Roi Liche. Mais elle ne pouvait pas. Des hommes et des femmes comptaient sur elle, sur sa maîtrise de la Lumière. Ses soins, ses bénédictions, encourageaient les combattants. Derrière, elle s'occupait des blessés, avant qu'ils ne retournent au combat. La bête devait être terrassée... Mais quand même... Si elle avait pu être ailleurs, se disait-elle, ce serait tellement mieux...

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« Vannille! VANNILLE! Par tous ces damnés foutus saints, vient ici! Et fissa! »

Celui qui venait d'appeler ainsi la jeune fille de 15 ans était un solide nain à la barbe rousse, revêtu d'une armure dont le brillant du métal concurrençait l'éclat des dorures. Bras croisés, il attendait de pied ferme, le regard rivé sur la silhouette qui s'avançait péniblement, tirant un sac de pierre en haletant comme une vache portante.

« Et arrête la comédie, si tu veux t'muscler un peu y a pas trente six moyen! Allez pose moi c'truc, on va passer à la suite. C'pitoyable, pas même capable de m'faire trois fois l'tour de la ville avec l'sac sur les épaules... »

Sans avoir l'intention de laisser ne serait-ce qu'un instant de répit à son élève, le nain empoignât une large hache et désigna le mannequin qui les attendait contre le muret qui semblait la narguer de ses yeux de verre.

« Va-y, tu m'feras tes exercices sur çui là, et j'veux l'voir bouger! Allez allez! »

Ayant d'un geste coupé court aux possibles récrimination qui allaient certainement venir, il pointa le mannequin du doigt avant d'aller lui même parfaire sa forme sur un autre, plus grand et plus imposant, à quelques mètres.

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Un cri sorti à l'unisson, autant pour se donner du courage que pour annoncer au monde que l'Alliance était là, et prête à en découdre. Armes levés, les soldats se mirent en route, un éclat résolu dans le regard. Derrière, entourée d'une aura de Lumière pure, la jeune fille était concentrée sur sa tâche, un livre ouvert dans une main et l'autre levée, tout en récitant les ultimes bénédictions.

« T'avait raison P'pa, t'avait foutrement raison, à coup d'pieds au cul tu m'la appris, mais faut jamais abandonner! Jamais! »

 

Enfance, bribe n°3

Posté le 19/04/2011


Est-ce quelqu’un, un jour, m’a demandé mon avis ? M’a-t-on une fois laissé dire ce que je voulais ? Je ne crois pas. J’ai toujours vécu selon les directives qu’on me donnait. Vannille, ton père est mort, tu vas être placée là. Vannille, voici ton tuteur, tu vivras avec lui. Vannille, ton père sera fier de toi tu vas devenir paladin. Vannille fais-ci, Vannille va là bas, Vannille fait ça… Personne, jamais, ne s’est soucié de savoir si ça me plaisait. Et jamais je n’aurai osé dire en face que je ne voulais pas de leur vie, peut être parce que c’était plus facile comme ça. Parce que je faisais ce qu’ils voulaient et ils me laissaient en paix à côté. Mais... est-ce que je suis heureuse ?

Dès que j’ai pu, j’ai dû soigner des inconnus, des civils, des soldats… A 16 ans, j’avais déjà vu plus de mort qu’un fermier de toute sa vie. Vous imaginez ? Merde… 16 ans. Pourquoi vous croyez que je passe mon temps à passer pour une idiote délirante qui ne se préoccupe de rien ? Sûrement pour laisser ça derrière moi, pour pas tout le temps y penser. Mais des fois, aussi, je pleure, quand je suis seule dans ma chambre, le soir. Quant plus personne n’est là pour encaisser mes moqueries et mes attaques gratuites. Comme une gamine à qui on a toujours dicté sa vie et qui n’a jamais demandé tout ça. Au fond, vous me connaissez très mal.

Si on m’avait laissé faire ce que je voulais, je crois que j’élèverai des béliers à Dun Morogh. Ca, ça me plairais. Ou bien j’aurai appris la mécanique et je réparerai des bécanes. N’importe quoi, mais pas les responsabilités qu’on m’a mises sur le dos. Des vies entre mes mains… Entre les mains d’une gamine de 16 ans. J’en ai 20, maintenant. Combien de gens me doivent la vie ? Combien sont morts parce que je ne pouvais pas être vers eux, ou juste parce que je ne pouvais plus rien faire ? On m’a appris que tout a une raison et que faire le bien autour de soi amène à la plénitude, mais alors pourquoi ces échecs me pèsent autant ?

C’est devenu une habitude. Je soigne machinalement, sans y penser. Je passe au prochain. Je prie pour les morts. Je passe au prochain. Je vois les larmes des familles, des amis. Le prochain… Chaque jour à nouveau. Et comme les guerres ne stoppent jamais, je suis toujours envoyée ici ou là. Si c’est pas Epsilon, ce sont les maîtres de Hurlevent, ou de Forgefer. Après tout, ils m’ont formés, je dois maintenant acquitter ma dette. Tu parles d’une dette… J’ai rien demandé, surtout pas ça. Mais je fais, et je souris, et je rigole, et je me moque. Jeune écervelée, pas sérieuse, voilà ce qui est écrit dans mes rapports. Clairement j’ai jamais été très douée, c’était pas une vocation…

Et maintenant ? Bah. Ca me déplaît pas, je dirais même que j’y ai pris goût. Comment vous dire, la sensation que ça fait, la fierté de sauver une vie ? Indescriptible. On se sent utile, on se dit qu’on est pas là pour rien. Mais n’empêche… J’ai que ça dans la vie, quand j’y pense. Je sais rien faire d’autres, j’ai jamais rien appris d’autre, je sais pas vivre autrement. Si on me demandait si je ne voudrais pas d’une vie normale, je saurais pas quoi dire. C’est quoi, une vie normale ? Se marier et fonder une famille ? Ca a jamais fait partie de mon apprentissage. Je me demande même si j’y ai pensé un jour… J’ai juste appris à bien faire ce que je sais faire, sans autre alternative.

 

A suivre...